Au diable les diagnostics SPM et DDPM! Les troubles prémenstruels ne sont pas une maladie, mais l’effet d’un remue-ménage dans l’âme, dans la psyché périodiquement mise à nu. La colère non exprimée est à la base de ces troubles.
Dans cette infolettre, tu verras quels sont les motifs de colère auxquels il importe de porter attention et, surtout, les écueils à éviter dans le traitement de cette émotion. Je montre comment la colère rate son but quand elle est déviée.
J’insiste sur les modes de détournement de la colère parce que, en reconnaissant son propre style à soi, on est en mesure d’en défaire les rouages. Dès lors, la colère apparaît comme une bouée de sauvetage dans ce monde où on a pris l’habitude de casser les enfants.
Le pouvoir de la parole
J’ai l’impression qu’on commence notre vie avec une expression plutôt saine de la colère : les pleurs, les cris. Arrive le moment où on peut indiquer nos besoins et nos limites avec des gestes, puis avec des paroles.
La parole est géniale. Elle a du pouvoir. Elle nous permet d’influencer notre environnement et de régler les situations qui nous écrasent. Là est la clé. Pour moi, c’est quand la parole vient du cœur qu’elle a du pouvoir.
La parole puissante, celle qui vient du cœur, sait garder l’autre auprès de soi. Ainsi, même quand une personne est fâchée, elle s’exprime de façon à ce que la relation continue, voire qu’elle s’améliore. Sinon, généralement elle détruit… soi-même, l’autre. Cette parole puissante s’accompagne aussi d’une clarté de pensée.
Or, pour retrouver la parole qui vient du cœur, il est essentiel de libérer les zones du cœur et du plexus solaire des principaux blocages et rigidités qui s’y sont installés au fil des ans.
Le bourbier, le volcan
La plupart des adultes se promènent avec un bourbier de colère à l’intérieur d’eux-mêmes. Il est constitué des souvenirs de moments où la personne n’a pas pu exprimer sa colère pour résoudre la situation qui l’accablait. Le bourbier se retrouve chez celles et ceux qui retiennent leur colère à l’intérieur ou qui se culpabilisent d’en éprouver. Qu’on pense, par exemple, à tous ces gens qui consomment des antidépresseurs.
Je trouve le terme bourbier approprié dans ces cas, car il évoque la lourdeur et le caractère enlisant de la colère non exprimée. T’es-tu déjà aventuré·e en terrain marécageux et rendu compte que tes pieds s’enfonçaient dans la fange? Tu dégages un pied et l’autre s’enfonce davantage. Il est parfois quasi impossible de s’en dégager sans une aide extérieure, un objet sur lequel tirer ou une personne en position solide qui nous tend la main.
D’autres personnes se promènent non pas avec un bourbier, mais un volcan à l’intérieur d’elles-mêmes. Elles sont toujours prêtes à exploser. Souvent elles se retrouvent en prison.
On pourrait voir le bourbier comme un volcan éteint. La personne s’est résolue à « garder le contrôle » de sa colère.
Sur le plan énergétique, le bourbier et le volcan prennent la forme de blocages sur nos méridiens d’énergie et de distorsions sur les lignes de force notre champ magnétique. Sur le plan physique, ils prennent la forme de fascias figés et de muscles tendus de façon permanente.
Les raisons de la colère
Comme la soif ou la faim, la colère survient quand certains besoins fondamentaux sont bafoués. Ce sont le besoin d’être respecté·e, le besoin d’être reconnu·e ou accepté·e pour ce que l’on est, le besoin de se réaliser et le besoin de jouir d’un degré d’autonomie correspondant à nos capacités. L’intégrité de l’être est le fil conducteur de ces besoins.
Comme toute pulsion de l’âme, la colère émerge non pas au niveau mental, mais au niveau viscéral, comme si l’énergie (étincelle ou jaillissement premier) venait du bas du corps, là où sommeille le serpent mythique. En arrivant au niveau du plexus solaire, cette énergie est perçue comme une émotion.
On ne peut pas annihiler cette pulsion. On ne peut pas immobiliser le mouvement de cette énergie. Elle doit être libérée hors de soi ou bien elle sera redirigée quelque part à l’intérieur. La personne sage, consciente ou mature s’arrangera pour qu’elle soit utilisée de la meilleure façon possible. Car cette énergie a le potentiel tant de créer de l’harmonie dans nos relations que d’empirer le conflit, la séparation et l’isolement.
Il existe d’autres motifs de colère, mais je n’en parle pas dans cette infolettre, car ils ne concernent pas l’intégrité de l’être, sa dignité, son estime personnelle. Par exemple, une femme se fâche contre deux personnes de son entourage qui n’interagissent pas comme elle le voudrait (un conjoint, un enfant, un parent, etc.). Ces motifs dérivent de schémas relationnels malsains. Dans de tels cas, sans nécessairement s’en rendre compte, la personne utilise la colère pour manipuler les relations.
Il y a aussi la « colère sociale », celle qui surgit face à une injustice dans la société. Je n’en traite pas directement ici non plus. Mais je crois qu’une personne qui a libéré sa parole dans le champ interpersonnel a plus de facilité à s’en servir dans le champ sociopolitique. Sa voix passe mieux, son ton permet aux gens de rester ouverts, réceptifs. De plus, cette personne peut devenir un important agent de changement social.
Ici, je veux parler de la colère qui nous redonne notre dignité. Celle qui joue le rôle de chien de garde de notre intégrité psychologique et physique, qui aboie ou nous met en garde quand une personne – ou la société – bafoue nos droits fondamentaux.
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L’angoisse générée par la colère
Le problème avec la colère, c’est que la situation que l’on vit fait vibrer le bourbier/volcan de colère accumulée. Par effet de résonance.
Chez pratiquement tout le monde, l’énergie ainsi éveillée est too much. On se sent envahi·e, accablé·e par une force intérieure qui va échapper à notre contrôle et qui, en soi, est douloureuse. Cela crée de l’angoisse. La réaction automatique est de détourner la colère dans un effort visant à dissiper le malaise. Ainsi, les modes de détournement de la colère sont de simples mécanismes de défense. Chaque personne a les siens.
Le détournement de la colère, quel est ton style?
On a identifié quatre façons de détourner la colère, de dévier la trajectoire de cette énergie. Ce sont l’extériorisation, la rétention, l’internalisation/culpabilisation et le déni. Différencions ces quatre types au moyen de quelques exemples.
L’extériorisation : Imaginons que tu es offensée par une personne, ce qui suscite ta colère. Alors tu lui saute dessus, tu l’agresse avec des paroles dures ou des gestes violents. Tu as ainsi redirigé la colère que tu sentais monter en toi vers l’extérieur, vers ta cible.
La rétention : Prenons la même situation où tu es offensée, mais là, dès que tu sens l’émotion monter, tu n’as qu’une préoccupation : que cela ne se voie pas. Tu retiens ta colère. Bien sûr, tu devras supporter une pression intérieure plus grande que de normale pendant un certain temps. Tu te sentiras peut-être comme une cocotte-vapeur.
L’internalisation/culpabilisation : Prenons la même situation offensante. Ici, quand tu sens l’énergie de la colère monter, ta réaction consiste à la rediriger contre toi-même, à te dire que c’est toi qui es responsable de la situation, que tu as dû faire quelque chose de pas correct : tu te sens coupable.
Le déni : Encore la même situation. Tu sens quelque chose d’un peu confus monter, mais tu ne l’identifie pas comme étant de la colère. De toute façon, tu as l’habitude de nier ce genre de sensation – toi, tu n’as pas de colère.
En lisant ces lignes, si tu n’as pas reconnu un ou plusieurs de tes propres modes de détournement de la colère, tu peux te poser la question « Est-ce que je la nie? » Il y a une différence entre ne pas vouloir l’avoir (déni) et ne pas vouloir qu’elle paraisse (rétention).
On peut utiliser à la fois plusieurs types de déviation. Par exemple, devant un employeur ou un policier, on gardera sa colère à l’intérieur de soi (rétention), mais de retour à la maison, on pourra agresser verbalement notre frère, sœur, conjoint·e ou enfant (extériorisation).
L’extériorisation se rencontre surtout chez les hommes et les garçons. Ils sont encouragés à répliquer quand on les agresse et à ne pas se laisser intimider. Parler fort, faire du bruit en cognant des objets et même attaquer l’autre leur permet souvent de garder ou de se tailler un statut dans la société. Ces gestes apparaissent comme des tentatives d’intimidation ou de domination. Les femmes aussi recourent à ce mode de détournement, mais généralement sous la forme d’attaques psychiques plutôt que verbales ou physiques.
La rétention et l’internalisation/culpabilisation sont plus courantes chez les femmes. Tout au long de leur éducation, elles se font greffer les implants psychiques du stéréotype féminin : la femme doit être gentille, douce, réconfortante, etc. Comme un libre-service émotionnel, la femme doit accueillir les âmes souffrantes sans tenir compte de ses propres besoins et limites. Souvent, elle ne sait pas qu’elle a des limites, soit parce que personne n’en a jamais tenu compte – n’a jamais validé leur existence –, soit parce qu’elle se les ai fait défoncer – comme lors d’abus sexuels ou de violence parentale.
Beaucoup de filles perdent leur voix autour de la puberté. Cela a été démontré. De plus, lors de la ménarche, la honte a tendance à s’installer, car cet événement se vit la plupart du temps avec un sentiment de ne pas être correcte (porteuse de maladie [SPM], d’impureté, d’irrationnalité, etc.). La honte s’installe comme en embuscade pour être prête à attaquer l’estime de soi dès que l’occasion se présente. Pour toutes ces raisons, les femmes sont plus sujettes que les hommes à la rétention et à l’internalisation de la colère.
Pour ce qui est du déni, une fois qu’on en a pris l’habitude, il se suffit généralement à lui-même, en ce sens qu’avec lui, on n’a pas besoin d’avoir recours à d’autres modes de détournement. Les gens qui se veulent spirituels y recourent très souvent pour se faire croire qu’ils sont avancés sur le chemin vers la Lumière. L’égo spirituel y trouve son compte et le déni de la colère devient un simple réflexe.
Les conséquences du détournement de la colère
Dans l’extériorisation, l’autre personne n’apprécie pas qu’on lui saute dessus, qu’on lui ou arrache le visage, qu’on l’envoie au diable, qu’on la frappe. Elle – de même que tout témoin de la scène – pourra se méfier de notre attitude dominatrice. Si elle est le moindrement sentiente, elle n’apprécie pas non plus de recevoir nos vibrations négatives.
Dans la rétention, l’énergie arrêtée dans son parcours va se loger là où elle peut. Il en résulte des maux physiques et psychologiques de toute sorte et pour le moins inattendus. Parfois la douleur se déplace, comme dans la fibromyalgie. Cela est sans compter toutes les déformations du comportement, comme le sarcasme, le sabotage, le bitchage et d’autres comportements antisociaux doux.
Dans l’internalisation/culpabilisation, il y a de fortes chances que l’on se ramasse en dépression chronique parce que l’estime de soi en prend un coup. On s’agresse soi-même avec nos pensées en se croyant coupable de ce dont, de toute façon, on n’est pas la ou le seul responsable. Avec le temps, on devient une mauvaise personne à nos propres yeux et la honte s’installe traîtreusement dans notre psyché.
Avec le déni, la colère qui monte – la nouvelle colère – va aussitôt s’agglutiner avec l’ancienne colère dans le bourbier. Ce processus échappe totalement à la conscience. Sournoisement, l’identité se segmente de plus en plus fortement. C’est pourquoi ce type de détournement s’appelle aussi « segmentation ».
Ça a déjà été mon cas. Avant l’expérience que je te raconte dans mon avant-dernière infolettre (« La fois où j’ai dit “Fuck you!” »), quand une personne m’offensait, ça passait tout droit. Vu que je me voyais comme une femme spirituelle, je m’adonnais sans le savoir à cette pratique qui s’appelle le spiritual bypassing, un mode de contournement des émotions – ou mécanisme de défense – très populaire à notre époque.
Au niveau relationnel, tous les modes de détournement de la colère sont catastrophiques. On fuira la personne qui extériorise sa colère, soit parce qu’on a déjà été agressé·e par elle ou parce que sa réputation d’agresseur·e la suit ou la précède, ou encore parce qu’on perçoit tout de suite son potentiel de violence. On fuira la personne qui retient sa colère, car elle aura simplement mauvais caractère : dans les circonstances où elle n’aura pas besoin de se maîtriser, elle sera impatiente, rechigneuse, plaignarde, etc.
On n’aura pas besoin de se couper de la personne qui internalise – se culpabilise de – sa colère ni de celle qui la nie, car dans les deux cas, elles s’en chargent elles-mêmes. Une personne déprimée ou qui manque d’estime personnelle ne va pas facilement au-devant des autres. Pas plus qu’une personne dans le déni qui, elle, n’a plus le goût de voir les gens qui l’ont offensée… car elle les a oubliés.
Une colère de bourbier dure longtemps, car elle appartient au domaine de l’inconscient. De plus, elle bloque cette fonction si importante pour la santé mentale et physique qu’est le pardon.
C’est dommage.
La colère saine
Par contre, une colère non détournée, exprimée directement par la parole qui vient du cœur, fait des merveilles. Elle rétablit le respect et l’estime de soi, de même que l’ordre dans les relations et situations où l’on se sent mal traité·e. Elle est fertile parce qu’elle permet de régler les conflits. C’est une colère efficace.
Une colère saine peut être violente, mais son sentiment et son langage demeurent appropriés à la situation. Elle est de courte durée et en quelque sorte chaleureuse. Elle est comme l’orage avant le beau temps.
Comment en arriver à une colère saine et efficace? Dans ma prochaine infolettre, je te ferai faire le tour des trois points sensibles, des trois lieux clés sur le parcours de la colère. En voici une brève introduction ou avant-goût.
Tout d’abord, si on réussit à atténuer l’angoisse qui nous envahit lorsque notre colère monte, on est moins porté·e à en dévier l’énergie. Elle nous fait moins peur. Pour cela, il faut visiter le bourbier ou le volcan régulièrement. Ça n’a rien de drôle ou de facile, mais ça porte des fruits.
Ensuite, on peut développer des compétences, des skills qui facilitent l’adaptation à une expression saine de la colère. Nous sommes pratiquement tous et toutes handicapé·es à cet égard.
Enfin, on peut observer et défaire les schémas relationnels malsains auxquels on s’est habitué·e et qui perpétuent inutilement les frustrations et les conflits.
Le premier avantage d’une expression saine de la colère est que la relation perdure… si l’autre veut bien comprendre qu’elle ou il a dépassé nos limites et se résout à en tenir compte à l’avenir. Le deuxième avantage est que la relation s’améliore, car une forme de complicité positive s’installe entre soi et l’autre. Le troisième avantage est que l’autre nous connaît mieux : elle ou il sait davantage où sont nos boutons, nos points sensibles, nos vulnérabilités. Le quatrième avantage est que l’on préserve son estime personnelle – principal facteur de santé mentale. Le cinquième avantage est que l’on aménage autour de soi un environnement qui nous convient et qui améliore nos chances de nous épanouir et de réaliser nos objectifs.
Bref, le ciel se dégage après la tempête. Le respect mutuel, la confiance et l’intimité ne sont que quelques fleurs, quelques cadeaux de la colère saine.
La route semble longue? Pas grave, elle en vaut la chandelle : à mesure qu’on avance, on retrouve la joie de vivre et la vitalité. Dans ma prochaine infolettre, je te fournirai une carte colèrographique, une sorte de mode d’emploi duquel tu pourras t’inspirer à ton gré.