0
0,00 $ 0 article

Votre panier est vide.

Les menstruations, une occasion spirituelle

Les menstruations sont un moment bien spécial. Elles peuvent être vécues tant positivement que négativement. On a toutefois été habituées à les percevoir de façon négative, parce qu’on a assimilé toutes sortes d’idées négatives sur elles, qu’on les vit dans la douleur – comme les femmes et les filles qui souffrent régulièrement de crampes menstruelles − ou qu’on éprouve du dégoût ou un autre sentiment négatif à leur égard.

Ces sensations, concepts ou sentiments négatifs ne peuvent faire autrement qu’influer sur l’expérience qu’on vit en cette période du cycle, car ils concernent directement le corps, son corps à soi. Ils influencent même notre identité, d’une façon beaucoup plus profonde qu’on ne le croit généralement.

L’invention du SPM

La médecine a mis en avant un concept très pernicieux : le SPM. Dans la pratique médicale, celui-ci consiste en une catégorie diagnostique qui comprend environ 150 symptômes. Les énumérer occuperait l’espace complet de cet article.

Les recherches sur lesquelles se base le concept de SPM ont été menées au milieu du siècle dernier – grande période d’essor de l’industrie pharmaceutique − auprès de femmes internées dans des prisons ou des institutions psychiatriques et, plus tard, auprès de femmes qui se présentaient en clinique pour divers troubles. L’accès aux données sur ces femmes était facile et gratuit : il suffisait de consulter leurs dossiers et de comparer les dates où les crises et autres problèmes de santé apparaissaient avec les dates du déclenchement des règles.

Il va de soi que ces échantillons n’étaient pas représentatifs des femmes en général, ce qui, évidemment, gonflait le nombre de femmes souffrant de troubles juste avant les règles.

En effet, ces femmes souffraient de problèmes psychologiques ou physiques – dans certains cas, assez graves.

La critique du SPM

D’autres faiblesses méthodologiques que celle de la non-représentativité des échantillons étudiés ont été mises en lumière vers la fin des années 1970 par des chercheuses en biologie et en sciences humaines.

Par exemple, on s’est rendu compte que, de façon générale, les femmes avaient tendance à attribuer leurs émotions négatives à leur phase prémenstruelle et leurs émotions positives aux situations vécues ou à leur personnalité. Il ne leur venait pas à l’idée d’associer leurs changements positifs à l’approche de leurs règles. Ce système d’attribution reflétait les préjugés négatifs généralement entretenus sur les menstruations, faussant ainsi les résultats des recherches dont le but n’était pas dissimulé.

Plusieurs autres erreurs méthodologiques et conceptuelles de la recherche médicale ont été relevées, et une série d’articles constituant une critique décapante du concept de SPM a invalidé celui-ci.

Du laboratoire aux médias populaires

Aussitôt que la critique du SPM a commencé à prendre forme dans la recherche, au tournant des années 1980, une campagne publicitaire de grande envergure a été déclenchée, gravitant autour de l’idée que les femmes menstruées étaient irrationnelles et dangereuses, et que la progestérone synthétique allait régler leur problème, celui de leurs émotions incontrôlées. On a utilisé deux cas vécus de femmes britanniques qui avaient commis des crimes violents envers leur conjoint. Celles-ci ont été acquittées et libérées à condition de prendre de la progestérone synthétique, nouvellement mise sur le marché pour soulager le soi-disant SPM. Cette nouvelle a fait le tour du monde.

Comme vous vous en souvenez sûrement si vous étiez déjà adulte au début des années 1980, chaque revue et chaque quotidien ont publié au moins un article sur le sujet à cette époque. Ainsi, le concept de SPM a été popularisé sur la planète entière. D’où les railleries sur les émotions menstruelles et sur le SPM dans les films, les séries télé, etc., qu’il nous arrive encore d’entendre. (J’ai récemment noté de telles railleries dans les séries télé 30 vies et Les pêcheurs.)

Le maintien artificiel du SPM en recherche

Pendant ce blitz publicitaire, la critique du SPM est passée inaperçue et, avec l’aide des compagnies d’assurance maladie et des organismes subventionnaires de la recherche, le concept de SPM s’est ancré dans les appellations diagnostiques et les articles de recherche médicale. Les intérêts se cachant derrière ces manœuvres sont à la fois financiers et idéologiques – antiféministes et antiéveil – et sont l’œuvre de pharmaceutiques (notamment, des fabricants d’hormones synthétiques et d’antidépresseurs) ainsi que des grandes corporations de médecins et de psychiatres. Un putsch a même été mené par l’American Psychiatric Association, qui a résulté en l’inclusion d’une catégorie diagnostique « désordre dysphorique prémenstruel » (ou DDPM) dans le Manuel statistique et diagnostique des troubles mentaux, la bible des psychiatres. N’oublions pas que les congrès de médecine sont largement subventionnés par ces institutions et que les journalistes y puisent leurs renseignements.

Un moment de révélation

Les chercheuses qui ont démontré que le concept de SPM était invalide n’ont pas pour autant nié les difficultés physiques et psychologiques des femmes autour du début des menstruations. Loin de là. Elles ont simplement démontré que la situation globale n’était pas aussi dramatique que celle dessinée par les chercheurs en médecine (les 70 % à 80 % de femmes vraiment dérangées par leurs troubles prémenstruels ont fondu à de maigres 5 % à 10 %) et que l’expérience menstruelle serait mieux comprise au moyen d’un autre concept.

Le concept qui a émergé de cet effort de redressement est l’exacerbation périmenstruelle (ou amplification périmenstruelle). Dans ce concept, tout trouble physique ou psychologique peut être amplifié juste avant ou juste après le début de l’écoulement. D’où le préfixe péri, qui signifie « autour de ».

Par exemple, une femme qui souffre parfois d’eczéma verra ses symptômes réapparaître ou s’aggraver en cette phase du cycle. Une femme qui a tendance à avoir mal au dos éprouvera de telles douleurs chaque fois que ses règles approcheront. Les problèmes mentaux ne sont pas en reste : une femme diagnostiquée schizophrène aura tendance à faire des crises autour du moment des règles. Même chose pour la déprime, les troubles du sommeil, l’épilepsie, etc.

L’idée à retenir est que si un trouble physique ou psychologique, de quelque nature qu’il soit, est manifeste ou se trouve juste sous le seuil de manifestation le reste du mois, il deviendra perceptible ou plus perceptible autour du début des règles. Des flasbacks se présentent à la conscience, les femmes victimes de violence sexuelle ou psychologique étant particulièrement à risque de souffrir de troubles périmenstruels. Comprenant cela, on peut affirmer que les menstruations sont un moment de révélation.

Des changements positifs

Les chercheuses sur l’expérience menstruelle ont également mis en lumière des changements positifs reliés aux règles. Plutôt que de faire remplir des listes de symptômes négatifs à cocher − comme le faisaient les chercheurs en médecine −, on a commencé à poser aux femmes des questions plus ouvertes, du genre « Dites-moi, dans vos propres mots, ce que vous vivez autour du début des menstruations ». (On appelle ces études « qualitatives » ou « phénoménologiques ».)

Les femmes ainsi interviewées ont dit qu’elles avaient plus d’appétit sexuel, plus d’énergie en général, et qu’elles avaient particulièrement le goût de mettre de l’ordre dans leurs papiers ou leurs affaires ou de faire le ménage dans leur maison ou leur bureau juste avant les règles. D’autres ont témoigné qu’elles aimaient se retirer du monde dès que débutait l’écoulement. Certaines ont témoigné de rêves plus abondants et significatifs, d’une plus grande perception extrasensorielle et de plus d’idées créatrices autour du début des règles. Certaines ont rapporté que la réalité leur semblait irréelle; d’autres, qu’elles avaient une plus grande capacité que d’ordinaire de s’émerveiller devant la beauté de la nature; d’autres encore, qu’elles éprouvaient plus d’empathie pour les autres.

Des études qualitatives mettent aussi en évidence une exaltation ou une allégresse périmenstruelle. Toutes ces données font l’objet d’articles de revues scientifiques.

J’ai moi-même entendu un grand nombre de témoignages sur l’expérience menstruelle durant mes 30 années de recherche. Au fil de rencontres informelles et dans des ateliers organisés sur les menstruations, des femmes me rapportaient des expériences semblables à celles décrites dans les études phénoménologiques mentionnées ci-dessus. Ces témoignages sont d’ailleurs conformes à ma propre expérience des règles.

Il est intéressant de souligner que ces vécus correspondent à l’expérience de la ménopause. Cela n’est pas surprenant, puisqu’une chute des taux de progestérone et d’œstrogènes se produit avant la ménopause… tout comme avant les règles. Les fluctuations de ces deux hormones influent sur l’ensemble des métabolismes du corps, notamment sur le système nerveux – puisque nous parlons de l’expérience vécue.

Des neurosciences à l’expérience

Les neurosciences s’avèrent d’une grande utilité pour comprendre le phénomène de l’expérience menstruelle, et ce, tant sous ses aspects positifs que négatifs. Il est bien connu par les personnes qui font de la recherche documentaire sur le cycle menstruel que l’activité dans l’hémisphère droit du cerveau augmente autour du début des règles. Cela a été maintes fois validé, par toutes sortes de méthodes. À titre de rappel, l’hémisphère droit est généralement lié aux émotions, à l’intuition, à l’inspiration créatrice, etc., et son fonctionnement se base sur des associations, des analogies, des symboles, des images. Il n’est donc pas étonnant que les émotions − tant positives que négatives − soient amplifiées et que l’intuition et l’inspiration créatrice soient rehaussées en cette phase.

La plus grande activité du cerveau droit ainsi que l’éveil du système nerveux autonome et l’action de certains neurotransmetteurs qui font lever la censure interne autour du début des règles font de cette phase du cycle un grand moment d’ouverture de l’inconscient. Cette ouverture permet la révélation des déséquilibres corporels – symptômes physiques – et des émotions généralement inconscientes. Elle facilite aussi la compréhension de ce qui nous habite, favorisant ainsi la guérison et la transformation profonde, de même que l’expérience directe de notre unité avec le grand Tout. Bref, c’est une occasion d’intégration incroyable.

L’un des grands avantages de l’ouverture de conscience périmenstruelle est qu’elle est solidement ancrée le corps, dans la conscience du corps; on ne fuit pas le corps par l’expérience spirituelle, comme dans certaines pratiques. L’autre grand avantage de cette ouverture et qu’elle est prévisible, se produisant chaque mois ainsi qu’à la ménopause. D’où l’importance de s’accorder du temps pour soi en ces moments.


Sources bibliographiques :

Andrée Hamelin. Le sang de la Lune, La physiologie des menstruations, Ste-Agathe-des-Monts (QC) : Éditions Treize Mères, 2012.

Michael Winkelman. Shamanism, A Biopsychosocial Paradigm of Consciousness and Healing, Santa Barbara (CA) : Praeger, 2010.

Par Andrée Hamelin
Paru dans Vitalité Québec Mag, septembre 2014, no 177, p 33-41